Focus #1 : Les mĂ©thodes alternatives de financement pour les startups. đ°
LâĂ©quipe inaugure un nouveau format : celui des Focus. Rendez-vous chaque premier dimanche du mois dans votre boĂźte mail. On espĂšre que ce format vous plaira ! đ
Pourquoi ce sujet ?
Que ce soit dans notre newsletter ou dans la plupart des mĂ©dias traitant de lâĂ©cosystĂšme tech et entrepreneurial, vous ĂȘtes trĂšs probablement dĂ©jĂ habituĂ©s au sujet de la levĂ©e de fonds âtraditionnelleâ, soit celle impliquant des fonds en Venture Capital, des Business Angels ou des Family Offices. Et cela nâest dâailleurs pas Ă©tonnant lorsque lâon sait que la France recense plusieurs douzaines de fonds actifs sur son territoire (notre mapping en bonus juste ici). NĂ©anmoins, il semblerait que lâon assiste depuis quelque temps Ă une multiplication des mĂ©thodes de financement alternatives. Lâobjectif de ce focus #1 sera donc de faire un point sur lâensemble de ces mĂ©thodes, quâil sâagisse des plus traditionnelles, mais Ă©galement de celles qui sont apparues plus rĂ©cemment. đ”ïžââïž
Bonne lecture ! đ
P.S : un grand merci Ă Johary (Silvr) et Titouan (Eldorado) pour leurs insights et suggestions !
I. Les alternatives traditionnelles Ă la levĂ©e de fonds.Â
1. Le crowdfunding (ou financement participatif)Â
Il est peu probable que vous dĂ©couvriez lâexistence du crowdfunding en parcourant ce Focus. đ€ Peut-ĂȘtre mĂȘme connaissez-vous quelquâun dans votre entourage y ayant eu recours ! Son idĂ©e est simple : et si, pour financer son activitĂ©, lâentrepreneur faisait appel directement Ă ses futurs clients ou Ă la communautĂ© quâil cible ? đ§
Les chiffres remontĂ©s par diffĂ©rents rapports sont sans appel : cette mĂ©thode de financement suit une croissance spectaculaire. Ce sont 1,88 milliard dâeuros qui furent collectĂ©s sur les plateformes de financement participatif en France en 2021 (soit une augmentation de 84% en valeur par rapport Ă lâannĂ©e derniĂšre). On peut nĂ©anmoins comparer ces chiffres Ă ceux des levĂ©es de fonds : ce sont 11,57 milliards d'euros qui furent levĂ©s en France en 2021, pour une progression de 115% en valeur. La place prise par le crowdfunding reste donc Ă nuancer, et sa croissance, Ă mettre en parallĂšle avec la croissance globale de lâĂ©cosystĂšme.Â
Mais concrĂštement, en quoi consiste le crowdfunding ? đ
On peut distinguer deux systĂšmes : le reward-based crowdfunding et lâequity crowdfunding.
A. Le financement participatif avec contreparties en nature (reward-based crowdfunding)
Ce systĂšme est le plus connu des deux. Selon les chiffres fournis par la plateforme Fundly, les campagnes de financement par reward-based crowdfunding ont collectĂ© 5,5 milliards de dollars au total, tandis que ceux par equity crowdfunding auraient collectĂ© 2,5 milliards au cours de lâannĂ©e 2020.
Cette solution de financement a Ă©mergĂ© aux Ătats-Unis dans les annĂ©es 2008-2009 avec le lancement des plateformes Kickstarter et Indiegogo. La France a depuis suivi le mouvement avec KissKissBankBank, Ulule et bien dâautres.
ConcrĂštement, le reward-based crowdfunding consiste en :
Une rĂ©tribution en nature pour le particulier qui apporte son soutien financier Ă une startup.Â
Par exemple, la startup peut dĂ©cider de vendre le produit avant mĂȘme sa fabrication, et les fonds collectĂ©s serviront donc Ă rĂ©aliser le projet. Une fois celui-ci rĂ©alisĂ©, le client reçoit le produit. Lâavantage : financer la production sans devoir avancer lâargent nĂ©cessaire (i.e permettre un BFR nĂ©gatif).Â
Cette solution est particuliĂšrement intĂ©ressante pour les startups des secteurs retail et consumer. Elle permet Ă©galement Ă un nombre important de clients de tester le produit, et pourquoi pas, de les fidĂ©liser. đ€
B. Le financement participatif avec prise de participation (equity crowdfunding)
La genĂšse de lâequity crowdfunding est la suivante : Ă la suite de la crise financiĂšre de 2008, il a fallu relancer la croissance de lâĂ©conomie. Lâune des solutions a Ă©tĂ© dâassouplir la rĂ©gulation autour de lâinvestissement dans les startups, notamment auprĂšs des particuliers. Câest donc la promulgation dâune loi Ă ce propos (le Jumpstart Our Business Startups Act) par le PrĂ©sident Obama en 2012 qui a âkickstartĂ©â (sans mauvais jeux de motsâŠ) lâexistence de plateformes dâequity crowdfunding. đ
Ici, on se rapproche de la levĂ©e de fonds traditionnelle : en Ă©change dâun investissement, lâentreprise propose des actions aux particuliers qui investissent.
Ces actions peuvent ensuite ĂȘtre revendues lors dâun Ă©vĂ©nement de liquiditĂ© (levĂ©e de fonds ultĂ©rieure, rachat, etc.).
Ici encore, lâavantage de cette mĂ©thode est la crĂ©ation dâune communautĂ© qui contribue directement au succĂšs de la startup.Â
Cela Ă©tant dit, la levĂ©e de fonds via cette mĂ©thode peut trĂšs bien se faire en complĂ©ment dâune levĂ©e auprĂšs de VCs.Â
Pour citer quelques plateformes françaises proposant de lâequity crowdfunding, nous avons Wiseed, Lita.co ou encore Sowefund.
Dans les deux cas (equity ou reward-based crowdfunding), ces mĂ©thodes prĂ©sentent un dernier atout clĂ© : la possibilitĂ© de tester lâattractivitĂ© du projet auprĂšs du public, et dây apporter des amĂ©liorations grĂące au feedback. đ€
Cependant, le financement participatif présente quelques limites :
Pour faire connaĂźtre le projet auprĂšs du public, un effort important doit ĂȘtre fourni sur la partie communication, ce qui peut ĂȘtre coĂ»teux en termes de temps et dâargent.
Ces mĂ©thodes impliquent de communiquer tout un ensemble de donnĂ©es auprĂšs du grand public lors de la phase de levĂ©e, ce qui peut sâavĂ©rer problĂ©matique si le projet cherche Ă sâinsĂ©rer dans un marchĂ© ultra compĂ©titif et oĂč il nâa donc pas intĂ©rĂȘt Ă rendre public ses secrets de fabrication. đ€
Enfin, le financement est effectif Ă la condition que le montant collectĂ© atteigne lâobjectif. Il y a donc un risque que la levĂ©e de fonds Ă©choue, ce qui est dâailleurs le cas pour plus de la moitiĂ© des projets. đ
đ§ Le saviez-vous ? Oculus VR, Allbirds, et Peloton ont dĂ©marrĂ© leur aventure avec un crowdfunding. Toutes ont aujourd'hui largement dĂ©passĂ© le milliard de valorisation, preuve que lâanalogie parfois faite entre crowdfunding et projets de petite taille ne sâavĂšre pas toujours exacte.Â
2. Le financement bancaire : emprunts, prĂȘts dâhonneur & Venture Debt
Si un entrepreneur ne se tourne pas vers ses futurs clients pour financer les premiĂšres phases de son projet⊠il peut en effet se tourner vers des acteurs bancaires. De prime abord, cela peut paraĂźtre Ă©trange pour certains d'envisager un financement via le secteur bancaire pour une startup : on le sait, le banquier nâa pas la meilleure presse dans lâĂ©cosystĂšme tech. đ
Les raisons pour lesquelles cette option semble contre-intuitive sont multiples :
Les banques se montrent gĂ©nĂ©ralement partantes pour financer des projets tant que ceux-ci semblent peu risquĂ©s⊠ce qui est par dĂ©finition lâantithĂšse dâune startup.
Aussi, elles demanderont gĂ©nĂ©ralement des garanties inatteignables pour une startup, notamment une rentabilitĂ© depuis quelques annĂ©es, des bilans financiers globalement trĂšs sains, peut-ĂȘtre mĂȘme des actifs tangibles, en bref : la preuve par a + b que la sociĂ©tĂ© va ĂȘtre en mesure de rembourser lâemprunt quoi quâil arrive.Â
Finalement, une banque peut trĂšs souvent demander des cautions personnelles de la part des fondateurs (mĂȘme si des dispositifs de garanties bancaires sont proposĂ©s par des acteurs tels que bpifrance ou France Active et viennent limiter la demande de garanties personnelles).Â
Or, on le sait : une jeune startup ne rĂ©pond que difficilement Ă ces critĂšres, et un entrepreneur peut lĂ©gitimement ne pas avoir envie dâengager ses biens ou sa rĂ©sidence principale en tant que garanties.
Cela Ă©tant, il nous faut souligner que de nombreuses banques peuvent autoriser de petites lignes de crĂ©dit ou de dĂ©couvert qui peuvent sâavĂ©rer trĂšs utiles au commencement dâun projet. Notons Ă©galement que certaines banques ou organismes (e.g Wilco, RĂ©seau Entreprendre, Initiative France) proposent des prĂȘts dâhonneur (sur une fourchette pouvant aller jusquâĂ 150000âŹ) permettant Ă lâentrepreneur de constituer des fonds propres au dĂ©marrage de son aventure, et ainsi crĂ©er un effet de levier, et permettre le dĂ©blocage de diverses subventions. đ€
Wilco propose par exemple des prĂȘts dâhonneur dont les caractĂ©ristiques sont les suivants (contenu non sponsorisĂ©, câest promis) :
PrĂȘts sans intĂ©rĂȘts et sans dilution,
Sans garantie personnelle,
Montant entre 10k et 150k⏠(le montant est dâenviron 10k pour Initiative France, et de 10 Ă 90k pour RĂ©seau Entreprendre),
Un différé de 12 mois, puis remboursement sur 2 ans.
En revanche, et pour des montants plus consĂ©quents, câest une tout autre option qui s'avĂšre pertinente : celle de la Venture Debt. đž
Effectivement, lorsquâune startup commence Ă se dĂ©velopper et Ă percevoir Ă lâhorizon son point de rentabilitĂ©, elle peut envisager de se tourner vers la Venture Debt (ou Venture Loan). Cette mĂ©thode de financement, nĂ©e aux Ătats-Unis dans les annĂ©es 1980 est tout simplement un prĂȘt accessible Ă des startups en plein dĂ©veloppement et proches de la rentabilitĂ©, le principal avantage Ă©tant que cela leur permet dâĂ©viter une certaine dilution. Notons que ce type de financement peut intervenir en mĂȘme temps quâune levĂ©e de fonds traditionnelle ou bien aprĂšs une premiĂšre levĂ©e.Â
Dans un article publiĂ© il y a quelques annĂ©es, Maddyness prĂ©sentait les caractĂ©ristiques des prĂȘts proposĂ©s par un acteur français de la Venture Debt, ainsi que les critĂšres analysĂ©s. On vous les met ci-dessous, ils vous permettront de mieux comprendre de quoi nous parlons ! đ
Montant des prĂȘts : entre 300k⏠et 1,5m⏠(ces montants peuvent ĂȘtre bien plus importants avec dâautres Ă©tablissements, cf. notre mapping plus bas),
Franchise : jusquâĂ 1 an,Â
Puis remboursement mensuel sur 3 ans,
Taux dâintĂ©rĂȘt entre 8 et 12%,
Option sur le capital via des BSA.
N.B: ce que lâon observe globalement est une souplesse assez importante au niveau de la structuration des prĂȘts, avec des sociĂ©tĂ©s prĂȘteuses qui cherchent Ă sâadapter au mieux aux diffĂ©rents cycles de ventes, etc.Â
Et maintenant, les critĂšres auxquels doivent rĂ©pondre les startups :Â
Un CA dâenviron 1m⏠minimum,
Des perspectives de développement significatives,
Une rentabilité déjà atteinte ou atteignable en 12 mois,
CapacitĂ© des startups Ă rembourser leur prĂȘt par leur seule activitĂ©.
Notons que certaines sociĂ©tĂ©s de Venture Debt peuvent demander des garanties personnelles de la part des fondateurs, mais que cela est plutĂŽt marginal. Point important Ă©galement, le fait que lâobjectif principal de la sociĂ©tĂ© prĂȘteuse est Ă©videmment de rĂ©cupĂ©rer le montant de lâemprunt et des intĂ©rĂȘts. Les termes de lâemprunt sont donc trĂšs importants, notamment en ce qui concerne la façon dont les choses se dĂ©roulent si, malheureusement, la sociĂ©tĂ© emprunteuse commence Ă ĂȘtre sĂ©rieusement dans le rouge. La sociĂ©tĂ© prĂȘteuse peut en effet spĂ©cifier dans le contrat quâelle peut dans ce cas forcer la rĂ©cupĂ©ration du montant de lâemprunt, ce qui pourrait accĂ©lĂ©rer un dĂ©pĂŽt de bilan. DâoĂč lâintĂ©rĂȘt pour les fondateurs de dĂ©laisser parfois un peu dâequity lors de la souscription dâun prĂȘt afin dâaligner les intĂ©rĂȘts de la sociĂ©tĂ© de Venture Debt avec les leurs. đ€
Terminons sur une note positive et notons nĂ©anmoins quâune trĂšs large partie des startups ayant recours Ă cette mĂ©thode de financement arrivent parfaitement Ă rembourser leurs prĂȘts.
Nous vous avons Ă©galement prĂ©parĂ© un petit mapping avec les acteurs bancaires principaux proposant de la Venture Debt. Vous le trouverez juste ici. đŻ
Enfin, et ici encore, la part de la Venture Debt dans les montants investis dans des startups reste assez faible lorsque comparĂ©e Ă celle des levĂ©es de fonds. NĂ©anmoins, des diffĂ©rences sont observĂ©es entre diffĂ©rents Ă©cosystĂšmes puisque la Venture Debt reprĂ©sente moins de 5 % des volumes investis en Europe continentale, mais ce chiffre grimpe Ă 10 % au Royaume-Uni, et Ă 15-20 % aux Ătats-Unis (source : Forbes).
đĄ Ă retenir : si en tant que fondateur, vous pensez que lâaugmentation de vos capitaux va permettre dâaugmenter rapidement vos revenus dans les 12-18 prochains mois, et vous faire atteindre la rentabilitĂ©, alors la Venture Debt est clairement une option Ă considĂ©rer.Â
Si vous souhaitez en savoir davantage sur le Venture Loan, Mercury (Ă©tablissement proposant de la Venture Debt) rentre en dĂ©tail sur son site sur les termes dâune term-sheet typique pour un Venture Loan. đ”ïžââïž
3. Le bootstrapping Â
TrĂšs simplement, le bootstrapping consiste pour un entrepreneur Ă faire avec les moyens du bord, i.e Ă sâautofinancer. Lâargent gĂ©nĂ©rĂ© est rĂ©investi, jusquâĂ ce que lâentreprise se soit beaucoup dĂ©veloppĂ©e. Quâon se le dise : lâautofinancement concerne une grande majoritĂ© des entrepreneurs. Une Ă©tude de PwC datant de 2019 avançait dâailleurs le chiffre de 66,5 % de startups autofinancĂ©es, contre 13,4 % Ă©tant passĂ©es par une levĂ©e auprĂšs de fonds VC ou encore 8,7 % via des Business Angels.
Cette méthode (ou plutÎt modÚle) de financement à plusieurs avantages évidents, dont :
Le fait de forcer les entrepreneurs Ă avoir une gestion extrĂȘmement saine de leur structure de coĂ»ts. On le sait, lever des sommes consĂ©quentes peut parfois diminuer la frugalitĂ© des startups.
La source de financement n°1 Ă©tant les clients, avoir recours au bootstrapping oblige dâĂȘtre extrĂȘmement attentif Ă la satisfaction client.
Puisque la startup ne lĂšve pas dâargent, elle garde le contrĂŽle sur son capital.
Lever des fonds (auprĂšs de VCs ou via des banques) est un processus chronophage ; le bootstrapping permet Ă la startup de rester focus sur son business.Â
Les exemples de rĂ©ussites parmi les startups bootstrappĂ©es ne sont pas rares. On peut citer : Mailchimp, Selectra, WeGlot, SimplĂ©bo, Crisp, My Little Paris, Fleet, Veepee, Asphalte, Shopify, etc. On peut Ă©galement citer Lemlist, une startup made in đ«đ· fondĂ©e par Guillaume Moubeche (que Yacine avait dâailleurs reçu sur le podcast Dans la tĂȘte dâun CEO il y a quelque temps) et qui permet dâautomatiser et de personnaliser la prospection commerciale. Les trois cofondateurs ont en effet commencĂ© avec 1024⏠en poche, somme avec laquelle ils ont rĂ©ussi Ă se dĂ©velopper jusquâĂ atteindre 10 millions de dollars dâARR. đ
NĂ©anmoins, des inconvĂ©nients tout aussi Ă©vidents sont Ă souligner :Â
La difficultĂ© dâadopter ce modĂšle dans des secteurs oĂč il y a un enjeu de prise de marchĂ© et donc une course Ă la rapiditĂ©, ou bien pour lesquels des investissements initiaux vraiment importants sont nĂ©cessaires (e.g biotech ou projets avec une dimension industrielle ou R&D importante).Â
Une croissance possiblement plus saine, mais nécessairement plus lente.
Le fait de tirer une croix sur le rĂ©seau et lâexpertise que peuvent apporter Business Angels et/ou fonds. Cet inconvĂ©nient peut Ă©videmment ĂȘtre contournĂ© par le fait de sâentourer des bons advisors.Â
II. Les méthodes de financement alternatives émergentes
4. Le Revenue-Based Financing
Vous avez peut-ĂȘtre entendu parler des levĂ©es de fonds de Silvr ou bien de Karmen en dĂ©but dâannĂ©e. Mais qui sont ces startups ? Et que permettent-elles ? đ
Eh bien ce sont des startups qui se proposent de financer⊠dâautres startups. Mais pas nâimporte comment ! Ce quâelles proposent repose en effet sur la mĂ©thode dite du Revenue-Based Financing (connu sous le nom de âRBFâ), mĂ©thode dont le marchĂ© mondial Ă©tait estimĂ© Ă 900 millions en 2019, et dont on prĂ©dit quâil dĂ©passera les 42 milliards dâici 2027. đ
Le RBF est donc une nouvelle solution de financement non dilutive nĂ©e en 2015 dans la Silicon Valley et dont Lighter Capital fait figure de tĂȘte de proue. La FinTech a en effet dĂ©jĂ rĂ©alisĂ© plus de 700 tours de financement auprĂšs de 400 entreprises pour un montant excĂ©dant $200 milliards. Depuis, le RBF se dĂ©mocratise Ă©galement en Europe avec Wayflyer, lâallemand Re:Cap ou bien nos pĂ©pites françaises que nous avons dĂ©jĂ citĂ©es : Silvr et Karmen. đ¶đŒ
ConcrĂštement, de quoi s'agit-il ? Comme Ă©voquĂ© prĂ©cĂ©demment, lâaccĂšs aux prĂȘts bancaires par les startups a toujours Ă©tĂ© compliquĂ© Ă cause de la nĂ©cessitĂ© de garanties. Cependant, pour pallier ce problĂšme, ces nouveaux acteurs se servent de la data concernant les revenus gĂ©nĂ©rĂ©s pour se crĂ©er une forme de garantie et alignent le montant Ă rembourser chaque mois sur le chiffre d'affaires rĂ©alisĂ© par la startup (via un pourcentage).
Cette méthode a donc de nombreux avantages pour les entrepreneurs, dont :
AccĂ©der Ă un emprunt, mais personnalisĂ© Ă lâextrĂȘme : les remboursements sont calibrĂ©s sur le chiffre dâaffaires rĂ©alisĂ© mensuellement, la gestion de la trĂ©sorerie est optimisĂ©e.
La startup nâa pas besoin de se pencher sur la rĂ©daction dâun Business Plan pour effectuer sa demande dâemprunt. Il suffit Ă un Silvr ou un Karmen de rĂ©colter ses donnĂ©es enregistrĂ©es par Shopify, Google Analytics ou encore lâoutil Stripe, et de faire des prĂ©dictions concernant les revenus futurs. On effectue ensuite un scoring pour dĂ©terminer le taux dâintĂ©rĂȘt et le montant pouvant ĂȘtre prĂȘtĂ©.
Lâentrepreneur peut collecter du financement en 24-48h ! Incroyable lorsque lâon connaĂźt les processus de levĂ©e de fonds auprĂšs des VCs qui peuvent durer plusieurs mois. LâĂ©quipe peut rester focus sur son business.Â
La méthode est non dilutive.
La startup peut emprunter juste ce quâil faut, ni plus, ni moins, et rĂ©itĂ©rer lâopĂ©ration si besoin ultĂ©rieurement.Â
Les montants maximaux peuvent ĂȘtre assez importants. Lighter Capital par exemple, propose un ticket maximum de 3M$, tandis que Silvr, startup pionniĂšre du RBF en France, propose dâaller jusquâĂ 10MâŹ.
Enfin, nâoublions pas que cette solution peut se faire en complĂ©ment des levĂ©es de fonds traditionnelles.
đĄ Ă retenir : Non dilutif, ultrarapide et dynamique.
Il y a néanmoins deux limites principales à évoquer :
Une solution qui reste assez chÚre (commission de 6 à 10% sur le montant distribué).
Une mĂ©thode adaptĂ©e principalement pour certains business models, oĂč lâon retrouve une certaine rĂ©currence des revenus (SaaS, marketplace ou e-commerçants).Â
5. ICO, STO et IDOs, de nouvelles mĂ©thodes de financement basĂ©es sur les cryptos. Â
En effet, difficile de parler de mĂ©thodes de financement alternatives sans en venir tĂŽt ou tard Ă lâunivers des cryptos !Â
A. Commençons par les ICOsâŠ
LâICO (Initial Coin Offering, acronyme choisi Ă lâorigine afin dâapparaĂźtre comme un affront aux IPOs traditionnelles) est une mĂ©thode de financement consistant en lâĂ©mission et la vente de tokens (ou jetons) par une sociĂ©tĂ©. La grosse avancĂ©e que reprĂ©sentent les ICOs est quâĂ lâinverse dâune levĂ©e de fonds traditionnelle, elle permet Ă chaque potentiel investisseur de participer, sans fixer de montant minimal. Ainsi, et plutĂŽt que de lever des fonds dâune façon traditionnelle, la sociĂ©tĂ© en question va dĂ©cider de crĂ©er des tokens. Ce token peut ĂȘtre un pur produit financier (ou security token) ou bien un droit dâusage futur pour le produit de la startup (utility token).
Dans ce dernier cas, une sociĂ©tĂ© X ayant rĂ©alisĂ© une ICO peut par exemple rĂ©server lâexclusivitĂ© dâacheter son futur produit aux dĂ©tenteurs des jetons quâelle a Ă©mis : on se rapproche ici du reward-based crowdfunding. En revanche, la nouveautĂ© est que ces jetons seront Ă©changeables sur un marchĂ© secondaire, et que donc, on attend de leur valeur quâelle augmente.
Ces ICOs ont plusieurs avantages, dont :Â
Le fait de thĂ©oriquement permettre de lever des fonds facilement, les contraintes administratives et lĂ©gales Ă©tant moins importantes, surtout lorsque comparĂ©es Ă celles liĂ©es Ă une IPO. âThĂ©oriquementâ, car on peut dĂ©jĂ nuancer cet avantage en soulignant quâen pratique, il est recommandĂ© (pour les projets français) dâobtenir un VISA optionnel auprĂšs de lâAMF afin que le projet soit considĂ©rĂ© comme sĂ©rieux,Â
DâĂȘtre peu coĂ»teuses,
Dâapporter une liquiditĂ© que les marchĂ©s traditionnels ne permettent pas dâapporter. En effet, vous le savez sans doute : le prix dâune action cotĂ©e en bourse peut rapidement ĂȘtre trĂšs Ă©levĂ© et donc hors de portĂ©e pour beaucoup dâentre nous. Or, dans le cas des tokens, un souscripteur peut tout Ă fait acheter 0,001 token. Par consĂ©quent, lâaudience Ă mĂȘme de participer Ă une ICO sâen retrouve grandement Ă©largie. Ici aussi, lâaspect dĂ©mocratique des ICOs nous permet de faire un parallĂšle avec un crowdfunding.Â
AprĂšs avoir connu un boom en 2017-2018, les montants levĂ©s par ICO ont drastiquement baissĂ© dans les annĂ©es suivantes (voir graphique ci-dessous).Â
Avec la prolifĂ©ration dâarnaques (âscamsâ), les ICO ont connu deux Ă©volutions successives vers lesquelles on se tourne dans les prochains paragraphes !
B. LâĂ©mergence de STO (Security Token Offerings), une mĂ©thode de financement relativement proche des ICOs mais davantage rĂ©gulĂ©e.
En effet, lors dâune STO, ce sont nĂ©cessairement des security tokens qui sont Ă©mis. Ici, Ă©volution importante : ces security tokens sont considĂ©rĂ©s comme des investissements classiques, et tombent donc sous les mĂȘmes rĂ©gulations que dâautres investissements plus traditionnels. Il y a dâailleurs eu aux Ătats-Unis de nombreux cas de requalification dâICO en âunregistered STOâ aprĂšs utilisation du Howey Test : un test dĂ©fini par la Cour SuprĂȘme amĂ©ricaine en 1946 et qui permet de dĂ©terminer si un contrat ou une transaction financiĂšre tombe sous le rĂ©gime des âsecuritiesâ. Si tel est le cas, alors la transaction doit ĂȘtre validĂ©e par lâautoritĂ© de rĂ©gulation (SEC).
Aux Ătats-Unis toujours, la rĂ©gulation accrue autour de ces STO comprend notamment :Â
Lâobligation pour les founders de dĂ©tailler en amont la façon dont les fonds levĂ©s seront utilisĂ©s,Â
Lâobligation dâĂȘtre accompagnĂ©s par un broker-dealer durant la STO,Â
Seuls des investisseurs accrĂ©ditĂ©s pourront y prendre part, Ă moins quâun accord de la SEC ait Ă©tĂ© obtenu (N.B : cette rĂšgle ne sâapplique quâaux citoyens amĂ©ricains, les investisseurs Ă©trangers nâont pas besoin dâĂȘtre accrĂ©ditĂ©s).
đđ» On note donc quâune STO se rapproche dâune IPO dans la mesure oĂč un travail important de compliance est attendu ; cela explique dâailleurs le fait que lâon croise parfois les termes de « Digital token IPO » ou « Tokenized IPO » afin de qualifier une STO.
Notons Ă©galement que 2021 a Ă©tĂ© un tournant dans lâhistoire des STO aprĂšs plusieurs annĂ©es relativement calmes. Ce fut notamment lâannĂ©e de la premiĂšre STO autorisĂ©e par la SEC aux Ătats-Unis : la plateforme de crypto trading INX ayant levĂ© 85 millions de dollars auprĂšs de 7200 investisseurs. đ°
Enfin, si on sâintĂ©resse au volume en valeur, on peut Ă©galement noter que le marchĂ© mondial de security tokens Ă©tait estimĂ© Ă 2,7 milliards dâeuros en 2019. Mais Ă©lĂ©ment encore plus important : un rapport rĂ©cent estime que ce chiffre devrait grimper Ă 918 milliards dâ⏠dâici 2026. đłÂ
Parmi les plateformes les plus connues : Polymath, Securitize, Securrency, Capexmove, Harbor. Leur point commun : accompagner des entreprises dans la tokenisation de leur equity, puis lister ces nouveaux tokens directement sur leur plateforme. đ€
C. Seconde innovation : les IDOs !
Parmi les innovations auxquelles on assiste, on retrouve ensuite celle des IDO (Initial DEX Offering), une mĂ©thode de financement rendue possible par des « launchpads crypto » (ou plateformes IDOs) telles que BSCPad (la toute premiĂšre, crĂ©Ă© par le gĂ©ant des cryptos Binance), ADApad, TronPad ou encore Cardashift en France. DerriĂšre ces termes un peu obscurs se cache une rĂ©alitĂ© pas si difficile que ça Ă comprendre. Ces plateformes endossent en effet un rĂŽle assez proche de celui dâun accĂ©lĂ©rateur conventionnel, câest-Ă -dire quâelles :
(i) sĂ©lectionnent et accompagnent des projets opĂ©rant sur une blockchain, etÂ
(ii) assurent un accĂšs en avant-premiĂšre au fundraising aux membres de leur communautĂ©.Â
Elles permettent ainsi de dĂ©risquer lâinvestissement dans une certaine mesure puisque les projets sont analysĂ©s et accompagnĂ©s par une Ă©quipe dâexperts avant dâĂȘtre proposĂ©s aux investisseurs-membres de la communautĂ©.Â
Le plus simple afin de bien comprendre de quoi nous parlons est ici encore de se baser sur un exemple. Nous nous attarderons donc sur Cardashift, un jeune launchpad crypto made in France. đ«đ·Â
Et avant de commencer, quelques diffĂ©rences entre Cardashift et dâautres plateformes launchpad sont Ă souligner :Â
Le fait que Cardashift permette Ă sa communautĂ© de participer Ă la sĂ©lection des projets accompagnĂ©s.Â
Un objectif bien prĂ©cis : « Debug the world » (leur slogan). Les projets accompagnĂ©s par Cardashift cherchent en effet Ă rĂ©soudre des problĂšmes sociaux et/ou environnementaux.Â
Enfin, chez Cardashift, la phase dâaccompagnement ne sâarrĂȘte pas une fois le fundraising/IDO lancĂ©(e) et terminĂ©(e), mais continue pendant 6 mois, notamment afin de viser la rentabilitĂ©. Â
ConcrĂštement, le financement de projets via Cardashift a lieu selon les Ă©tapes suivantes :Â
Une premiĂšre phase lors de laquelle nous devons acheter des CLAP, la propre cryptomonnaie de Cardashift lancĂ©e via une ICO un peu plus tĂŽt cette annĂ©e. Ă titre informatif, le prix dâun CLAP se situe autour de $0.040.Â
En parallĂšle, les Ă©quipes de Cardashift prĂ©sĂ©lectionnent des projets quâelles trouvent intĂ©ressants (e.g 20 parmi un pool de 100 projets).  Â
GrĂące aux CLAP acquis, les membres de la communautĂ© Cardashift sĂ©lectionnent 2 projets parmi les 20 prĂ©selectionnĂ©s.Â
Finalement, les 2 projets retenus rentreront dans une phase de pré-IDO puis réaliseront celle-ci quelques mois plus tard (IDOs lors desquelles les deux startups émettront des tokens).
Les membres de la communauté pourront investir en priorité dans ces 2 IDOs/2 nouveaux tokens.
N.B : Cardashift va se concentrer sur lâĂ©mission dâutility tokens dans un premier temps, puis ira sans doute sur des security tokens par la suite. LâĂ©quipe a Ă©galement dĂ©jĂ affirmĂ© son souhait de favoriser au maximum l'intĂ©gration dans sa communautĂ© de personnes encore assez Ă©loignĂ©es de lâunivers des cryptos, notamment en envisageant la possibilitĂ© dâinvestir demain avec une simple carte de crĂ©dit (via lâacquisition de CLAP qui se fait elle-mĂȘme via Cardano Ă lâheure actuelle). Â
Ce que lâexemple de Cardashit confirme, câest donc lâĂ©mergence de nouvelles formes dâinvestissement qui veulent dĂ©centraliser et dĂ©mocratiser lâinvestissement, la gouvernance et la prise de dĂ©cision au maximum. On peut nĂ©anmoins se demander si le fait de tendre vers une prise de dĂ©cision de plus en plus collĂ©giale ne va pas rendre la mĂȘme prise de dĂ©cision impossible, ou du moins plus difficile. En mĂȘme temps, quand on se souvient que lâune des principales raisons ayant freinĂ© le boom des ICOs en 2017/2018 Ă©tait celle de l'absence de garde-fous permettant dâĂ©viter des arnaques, on se dit que lâĂ©mergence de plateformes telles que des launchpads permettront de dĂ©risquer les investissements via les cryptos, et donc de redonner un nouvel Ă©lan Ă cette vague. Au niveau europĂ©en, le rĂšglement MiCa qui est en cours de prĂ©paration devrait Ă©galement apporter davantage de sĂ©curitĂ© aux investisseurs en mĂȘme temps quâil devrait harmoniser le cadre juridique pour de nombreux types de crypto-actifs⊠à condition que ce mĂȘme rĂšglement ne freine pas lâinnovation par une rĂ©glementation trop contraignante. đ”ïžââïž
đ§ Conclusion : quâest-ce que lâon retient ?
Sans surprise, on voit que de nouvelles mĂ©thodes de financement alternatives apparaissent, avec des innovations notamment portĂ©es par lâessor des cryptomonnaies et par l'Ă©mergence du Revenue-Based Financing.Â
Parmi les grandes tendances que lâon observe lorsque lâon passe en revue ces nouvelles mĂ©thodes, câest dâabord une flexibilitĂ© accrue (pensons Ă la Venture Debt et au Revenue-Based Financing) : les entitĂ©s qui financent sâadaptent de plus en plus aux spĂ©cificitĂ©s des projets financĂ©s. Quand on sâintĂ©resse ensuite aux innovations apportĂ©es par lâunivers des cryptomonnaies, on constate que l'Ă©cosystĂšme crypto a bien compris que le passage Ă lâĂ©chelle des solutions de financement basĂ©es sur la blockchain allait devoir passer par une phase de âdĂ©risquageâ de ces solutions. Et câest en trĂšs bonne voie avec lâĂ©mergence des STOs (vs. ICOs) et des launchpads cryptos (IDOs).Â
Tout cela est Ă©videmment une excellente nouvelle pour les entrepreneurs puisque les outils Ă leur disposition afin de financer leur croissance sont plus nombreux. Câest Ă©galement une excellente nouvelle puisque cela facilite dans une certaine mesure leur capacitĂ© Ă confirmer leurs hypothĂšses, voire de trouver un dĂ©but de product-market-fit, et donc dâapprĂ©hender une levĂ©e de fonds traditionnelle dans des conditions qui leur seront plus avantageuses.Â
Ce qui nous amĂšne au dernier point : les alternatives mentionnĂ©es ne constituent pas nĂ©cessairement des alternatives dans 100% des cas au financement via des VCs ou BAs, mais peuvent se rĂ©vĂ©ler ĂȘtre dâexcellentes mĂ©thodes de financement complĂ©mentaires.
Nous avons vu que la Venture Debt est particuliĂšrement pertinente lorsque le product-market fit a Ă©tĂ© trouvĂ© et quâil sâagit pour la startup d'accĂ©lĂ©rer et de viser la rentabilitĂ©.
Des launchpads tels que Cardashift se présentent souvent comme intervenant en amont des levées de fonds plus classiques, etc.
Des levĂ©es via de lâequity-based crowdfunding ou RBF peuvent mĂȘme intervenir en parallĂšle dâune levĂ©e plus classique.Â
Merci pour votre lecture ! đ€
On espĂšre que ce premier focus vous aura plu ! Comme dâhabitude, si vous avez des retours/questions/suggestions, nâhĂ©sitez pas Ă nous les partager. Pour cela, vous pouvez nous contacter par e-mail (thefuturevcs@gmail.com), on se fera un plaisir de les lire. đ
Vous pouvez aussi nous contacter sur LinkedIn ou sur notre site : babyvc.co.
Ă trĂšs vite :)
The Future VCs - Focus #1
genial ! trĂšs clair, merci ! bon dimanche